Faut-il demander l’asile politique à la Belgique ?
Depuis les attentats de janvier, on voit nos Laurel et Hardy nationaux tout heureux de grimper dans les sondages. Nos héros ont rassuré la ménagère de 50 ans en renforçant la police et l’armée. Chouette ! Hollande, grisé par l’événement, a même commencé à se prendre pour le Président de la République. Vive la France éternelle ! Aux méandres de l’intelligence, ici comme ailleurs, l’imbécile préfère la rectitude du dogme.
Discriminations. Ségrégation sociale et ethnique. Les chiffres sont accablants : la France est le pire pays de l’OCDE pour l’écart de niveau scolaire entre autochtones et enfants d’immigrés de la seconde génération. On nous annonce un effort pour l’apprentissage du français. Mais toujours rien pour la langue et la culture d’origine. Rien. Nada. Whalou. Man bet. Que d’chi. On sait que l’approfondissement simultané de plusieurs cultures permet de ne pas subir comme une obligation l’appartenance à une seule et unique communauté. De quoi a-t-on peur ? Que des gens d’origine étrangère deviennent un jour l’élite de la société française ?
Je me prends à rêver… Un jeune prof vient d’être nommé dans un collège de banlieue. Avant de commencer son année scolaire, il est venu en stage dans la cité. Et ce sont les gamins qui l’ont initié à leur langage, à leur argot. Quand il commence, il ne débarque pas de la planète Mars. Ses cours sont basés sur l’échange et la participation. On passe d’un niveau de langue à l’autre. On traduit Corneille en langage de la cité. Et une histoire de la cité devient une tragédie grecque. On se marre. Ensemble. On crée. La langue française s’enrichit de nouveaux mots, de nouveaux concepts et c’est pareil pour la langue de la cité. Au collège, au lycée, il y a des cours de berbère, de bambara, de kurde, de russe, d’arabe. En classe, on invite des plasticiens, des écrivains y mènent des ateliers, mais on invite aussi des ouvriers, des chômeurs, des médecins, des avocats, des taulards, des gens de toutes origines sociales et ethniques à venir parler de leur vie, de leur métier, de leurs passions, de leurs échecs. L’école s’ouvre au monde. La France aussi. Elle n’est plus ce pays où, pour s’intégrer, il faut oublier d’où l’on vient. La République devient la République de tous. Les Arabes et les Noirs ne sont plus considérés comme étrangers à nos valeurs, et nous ne nous sentons plus étrangers aux leurs…
Utopique ? En Belgique, lorsque sont arrivés les mineurs italiens et polonais, on a ouvert des écoles bilingues, et les enfants de ces ouvriers ont connu un remarquable taux de réussite scolaire. En Nouvelle-Zélande, des écoles multiculturelles intègrent des classes polynésiennes, indiennes, russes, japonaises ou chinoises (une trentaine d’options possibles pour garder le contact avec la culture des parents). Dans une classe maorie, à Auckland, j’ai pu voir qu’il y avait aussi des petits blancs, parce que là-bas, chacun a bien conscience qu’une société dans laquelle on s’intéresse à la culture de l’Autre hérite d’une richesse inestimable. On pourrait aussi s’inspirer de ce qui se passe en Grande-Bretagne, où le cours magistral n’existe pas, où les élèves sont invités à contester la parole du professeur, à débattre jusqu’à épuisement des questions, et où il n’est pas incongru qu’un chauffeur de bus arbore un turban sikh, ou qu’un directeur de banque porte des dreadlocks. Toutes choses inimaginables en France.