Je ne suis pas un bon citoyen

Je n'aime pas les cités trop bien ordonnées, leurs rues propres et sécurisées. J'aime le désordre. A l'opulence, je préfère la pauvreté. En démocratie, personne ne voterait pour moi, car personne ne voudrait de mon programme d'appauvrissement généralisé, de canailles et de fous en liberté, d'essor des terrains vagues, de protection des herbes folles entre les pavés. J'aime la ruine. J'aime les lichens sur la pierre. J'aime l'habit rapiécé, le chemin de terre et la place ensablée. J'aime les pays dont les habitants ne sont pas encore gavés, repus, blasés, pleurnichards. Je sais aussi que nombre d'entre eux rêvent de nous imiter... qu'ils ont bien tort, mais qu'on ne peut pas le leur reprocher. Esclavage. Colonisation. Néo-colonialisme. OMC. Du patron jusqu'au dernier prolo, jusqu'au dernier clodo, on en a tous profité. Même nos déchets sont riches. Et pour garder ces " acquis ", une petite guerre contre nos anciens sujets, ça vous dit ? Ou alors, comme en Argentine, relancer l'économie par la culture des OGM, en fermant les yeux sur les herbicides et les cancers, pour financer les prestations sociales et assurer la réélection de la présidente ?

Je suis un mauvais citoyen, je vous dis !

Je n'ai aucune estime envers l'ouvrier qui fabrique des mines antipersonnel pour nourrir sa progéniture. Je n'ai aucune estime envers le cultivateur qui empoisonne son champ au round-up pour faciliter son labour. Je n'ai aucune estime pour ce directeur des programmes de France Télévisions qui trouve les présentateurs de province trop mal habillés pour pouvoir faire du prime time. Mon émission préférée, elle se donne au café, entre gens mal élevés, remplis de défauts et d'humanité, pas avec une bande de débiles sapés comme des concessionnaires Mercedes !

Vous voulez que je vous dise ? On va s'appauvrir. On s'appauvrit déjà. Faudrait juste qu'on se mette d'accord pour équilibrer l'appauvrissement généralisé afin qu'il ne soit pas trop douloureux. On pourrait décider par exemple d'appauvrir les pauvres de 1% et de ponctionner les riches de 10%. Mais comme c'est les riches qui décident...

De toute façon, c'est pas du tout ça qui va se passer. La prochaine fois, y aura encore moins de gens à aller voter, et on va y avoir droit, à cette droite musclée, dont Sarko était l'amuse-gueule. On va en baver. Si bien qu'à côté, le bon petit appauvrissement à la papa, on finira par le regretter, pendant que l'autre démago, le corbeau Mélenchon, se frottera les mains, croyant encore à un illusoire grand soir : le sien.

Quand je vous disais que j'étais un citoyen mauvais, c'était avant la misère annoncée. Bientôt, je ne serai plus un citoyen du tout.




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